Quand la lutte contre la corruption reste lettre morte en Haïti

Written on 09/01/2024
Mackendy Filderice

Depuis une décennie, la lutte contre la corruption en Haïti semble stagner, malgré les efforts répétés de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). Les chiffres sont accablants : 87 rapports d’enquête ont été transmis aux autorités judiciaires depuis l’entrée en vigueur de la loi du 12 mars 2014. Pourtant, le bilan est désespérément maigre. Un seul jugement a été rendu et quatre ordonnances de clôture ont été prononcées, dont une a abouti à un non-lieu.

Ce constat met en lumière non seulement l’inefficacité du système judiciaire haïtien, mais aussi un problème plus profond : la justice semble entravée par des forces invisibles qui la paralysent dans sa mission essentielle de faire respecter le droit. Il ne s’agit plus seulement d’un problème de compétence ou de capacité, mais d’une crise systémique qui remet en cause la capacité même de l’État à faire face à la corruption.

Lors d’un atelier à Pétion-Ville, l’ULCC a présenté un rapport exhaustif révélant l’ampleur des cas de corruption soumis à la justice. Or, la réponse judiciaire est largement insuffisante. Ce décalage flagrant entre les efforts de l’ULCC et la réponse judiciaire interroge sur la volonté politique réelle de s’attaquer à la corruption qui ronge les institutions publiques.

Le discours de Me Delva Dimanche, soulignant la nécessité de privilégier la prévention à la répression, met en lumière une autre facette du problème : la législation elle-même semble inadaptée. Certaines faiblesses de la loi du 12 mars 2014, notamment dans certains articles, sont devenues des obstacles à une répression efficace de la corruption.

La ministre Marie Chantal, déléguée du Premier ministre, ne mâche pas ses mots. Elle dénonce l’inertie judiciaire face aux nombreux rapports transmis par l’ULCC, soulignant que la multiplication des rapports sans suivi judiciaire mine la confiance du public dans les institutions. Cette absence de résultats tangibles reflète une complaisance ou une impuissance qui encourage l’impunité.

A l’approche de son 20ème anniversaire, l’ULCC semble vouloir redoubler d’efforts pour lutter contre la corruption sous toutes ses formes. Mais la question demeure : quel est l’impact réel de ces efforts si le système judiciaire reste figé ? La lutte contre la corruption en Haïti ne se gagne pas seulement dans les bureaux de l’ULCC, mais surtout dans les tribunaux, où la justice semble pour l’instant dans l’impasse.

Il est urgent que la justice retrouve son rôle central dans ce combat pour restaurer la confiance des citoyens et assainir la gestion des affaires publiques. La justice haïtienne doit se libérer des carcans qui la paralysent, sinon la lutte contre la corruption ne restera qu’un slogan vide de sens.

Source Photo: World Bank Blogs

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